Depuis 2016, les orthoptères – criquets, sauterelles et grillons – sont disponibles à la saisie sur Faune IDF. Jusqu'à récemment, peu d’inscrits s’intéressaient à ces insectes dont l’observation est bien différente de celle des oiseaux. Malgré tout, de plus en plus de contributeurs s’y lancent… parfois sans connaître les paramètres à prendre en compte pour progresser dans la détermination de ces charmantes bestioles.
Cette présentation succincte a pour but de guider celles et ceux qui souhaiteraient débuter dans l’observation des orthoptères en Île-de-France. Elle prodigue quelques conseils de base pour aborder le mieux possible l’identification de ce groupe réputé (à juste titre) plus difficile que les papillons ou les libellules. Avantage : la saison des orthoptères dans notre région est courte (de mai à octobre essentiellement), ce qui vous laisse tout le reste de l'année pour vous préparer !
Les tétrix, comme ce Tétrix des carrières Tetrix tenuicornis, sont des orthoptères discrets, méconnus, particulièrement difficiles à identifier… et par conséquent fascinants ! © Julien Piolain
Lorsque l’on trouve un orthoptère, il convient pour progresser de chercher un minimum soi-même l’espèce à laquelle on a affaire avant de poster la donnée dans l’attente d’une identification d'expert. Pour cela, nous vous conseillons l’excellent guide d’Éric Sardet, Christian Roesti et Yoan Braud, le Cahier d’identification des Orthoptères de France, Belgique et Luxembourg paru aux éditions Biotope, qui pourra de plus vous être utile hors des frontières franciliennes.
De très bonnes clés complètes sont également disponibles gratuitement sur internet, par exemple la Clé d’identification des Orthoptères du Grand Est de Julien Ryelandt, qui inclut toutes les espèces d’Île-de-France et que vous pouvez télécharger ici.
Contrairement aux odonates ou aux lépidoptères, les orthoptères sont des insectes paurométaboles : larves et adultes ont une morphologie proche et partagent le même milieu de vie. Au printemps, les œufs donnent des larves (ou juvéniles) qui sautillent allègrement pendant quelques semaines à quelques mois avant de subir la mue imaginale, « métamorphose » limitée qui les conduit au stade adulte. Ces larves se distinguent des imagos par leur taille inférieure, leurs appendices reproducteurs peu développés et leurs ailes rabougries réduites à des moignons (fourreaux alaires).
Les larves d’orthoptères sont très courantes en mai et juin ; toutefois nous signalons d’emblée qu’il vaut mieux ne pas tenter de les identifier. Les critères valables pour les adultes ne sont en effet pas applicables aux larves dans de très nombreux cas, et seules certaines espèces « faciles » sont identifiables à coup sûr (Grande Sauterelle verte, Pholidoptère cendrée, Grillon champêtre par exemple). Le meilleur moyen de s’assurer de l’identification de juvéniles est souvent… de repasser plus tard en saison sur le site pour observer des adultes !
Jeune larve de Grande sauterelle verte Tettigonia viridissima : les ailes n'ont pas encore poussé et les critères d’identification classiques ne sont pas utilisables ! © Julien Piolain
Encore faut-il est certain qu'il s'agit de juvéniles ! Certaines espèces conservent des ailes courtes, voire atrophiées à l'âge adulte (espèces brachyptères, microptères et squamiptères). Une astuce pour vérifier si on a affaire à des juvéniles est de regarder l'aspect de ces courtes ailes. En effet les orthoptères ont une étrange particularité : aux derniers stades juvéniles, les ailes se retournent et passent par-dessus les élytres ! Si les ailes membraneuses sont visibles sur le dessus de l'insecte, avec leur nervation typique en éventail, c'est qu'il s'agit de juvéniles. Si au contraire ce sont les élytres coriaces (ou tegmina) qui recouvrent et cachent les ailes, même s'ils sont très courts, il s'agit d'adultes et dans ce cas, cela vaut la peine de s'intéresser de plus près à l'espèce ! Car c'est seulement lors de la dernière mue (la mue imaginale) qu'ailes et élytres retrouvent leur position normale. Il va de soi que pour voir ce genre de détails, une loupe de terrain est bien pratique...
Pholidoptère cendrée Pholidoptera griseoaptera : malgré ses élytres atrophiés, il s'agit d'un mâle adulte en train de striduler. © Yves Massin
En plus des critères morphologiques détaillés dans les références citées, apprendre les stridulations (a minima des espèces les plus communes) est une étape clé qui facilite infiniment la détermination des espèces, notamment chez les criquets. Avec un peu de pratique, il devient possible de distinguer à l’oreille des espèces d’apparence quasi-identique en quelques mois seulement… ce qui n’est pas négligeable car certains de ces taxons problématiques sont très communs et présents partout (c’est notamment le cas du Criquet duettiste Chorthippus brunneus et du Criquet mélodieux Chorthippus biguttulus). Les chants de la grande majorité des orthoptères français se trouvent dans un CD associé au Cahier d’identification précédemment cité ; le site http://chant-orthoptere.com/ recense toutefois les stridulations de la majorité des espèces franciliennes et peut s’avérer très utile pour commencer.
Contrairement aux criquets, qui stridulent surtout en milieu de journée, beaucoup d'espèces de sauterelles et grillons se font entendre essentiellement, voire exclusivement de nuit (Grillon d'Italie, Conocéphale gracieux, Phanéroptères, Méconèmes...). Il peut donc être profitable de sortir dans un milieu favorable à la tombée de la nuit pour enregistrer lorsque la saison et la météo sont propices. Ces espèces seront inventoriées de cette façon sans nécessiter la moindre capture. Vous pratiquez les pièges à sons nocturnes pour les oiseaux ? Cela tombe bien, il y a certainement des orthoptères dans votre jardin, votre clairière ou votre friche habituelle ! De plus, le pic des stridulations ayant lieu en fin d'été, vous pourrez faire d'une pierre deux coups au moment où les passereaux insectivores commencent à redescendre vers le sud ! Même chose si vous enregistrez les chiroptères l'été avec un détecteur d'ultrasons : certaines sauterelles stridulent dans des gammes de fréquences inaudibles pour nos oreilles.
Conocéphale gracieux Ruspolia nitidula : cette sauterelle stridule exclusivement la nuit, même si elle est visible de jour. © Yves Massin
Il est courant de sécher ou de se tromper en débutant dans le vaste monde des orthoptères. Et c’est on ne peut plus normal ! Le mieux est alors d’effectuer (ou de reprendre) calmement l’identification de retour à la maison après avoir pris des photographies adaptées. Cependant, notez bien que chez les orthoptères les possibilités de détermination sur photo sont bien plus limitées que pour la plupart des autres taxons. Ainsi pour maximiser les chances d’aller à l’espèce sur photographie(s), nous recommandons :
La prise de telles vues nécessite souvent d’immobiliser les individus à déterminer. Ainsi, contrairement à ce qui est préconisé pour d’autres taxons, nous recommandons la capture des orthoptères voire leur tenue en main (qui se fait généralement par les pattes arrière). Nous comprenons que cela puisse aller à l’encontre des principes de certains ; toutefois il s’agit de la meilleure méthode pour aboutir à une identification certaine. Pour les allergiques du filet, l’approfondissement de l’étude des stridulations peut s’avérer être un bon moyen de substitution dans la détermination de certains orthoptères difficiles ; les smartphones actuels disposant d’enregistreurs vocaux de bonne qualité, la réalisation de documents audio est devenue aisée et peut représenter un complément très utile, voire un élément d’identification à part entière.
Nous rappelons dans tous les cas qu’afin d’être en conformité avec les textes règlementaires, aucune photo en main d’espèces protégées régionalement ne pourra être affichée sur le site sans autorisation de capture (une copie de l’autorisation devra être insérée comme photo supplémentaire). Cette restriction concerne 5 taxons en Île-de-France : le Caloptène ochracé (Calliptamus barbarus), l’Oedipode turquoise (Oedipoda caerulescens), le Grillon d’Italie (Oecanthus pellucens), le Dectique verrucivore (Decticus verrucivorus) et le Conocéphale gracieux (Ruspolia nitidula). En cas de doute, les images concernées peuvent toutefois être transmises directement aux valideurs par mail, ou masquées sur le site afin que seuls les valideurs puissent les examiner.
Criquet rouge-queue Omocestus haemorrhoidalis tenu classiquement en main par les pattes arrière. Cette méthode permet de détailler convenablement l’individu sans l’endommager. © Julien Piolain
Si malgré vos recherches vous ne trouvez pas, rien ne vous empêche de poster le ou les individu(s) problématique(s) sous la dénomination « Orthoptère indéterminé » en documentant l’observation. Les valideurs seront là pour vous corriger et vous guider dans l’identification : c’est notre rôle ! Cependant, notez bien que nous ne sommes pas capables de garantir une identification sur n’importe quelle image, loin de là. Il convient donc de fournir des photographies respectant les conseils de prise de vue détaillés dans la partie précédente.
À présent, à vous de jouer ! En espérant pouvoir consulter bientôt vos données d’orthoptères sur Faune IDF !